Lors de la conclusion du bail commercial, le loyer est librement fixé par les parties. Son montant n’est soumis à aucun maximum ni aucune règle de calcul.

En cours de bail, le loyer peut être révisé à différentes occasions, selon qu’elle est d’origine légale (révision prévue par la loi) ou conventionnelle (révision prévue par le contrat, en fonction de la volonté des parties).

Les hypothèses de révision légale sont les suivantes : la révision triennale, qui peut intervenir à l’initiative des parties tous les trois ans, ou bien la révision lors du renouvellement du bail.

La révision conventionnelle peut intervenir par l’effet d’une clause d’échelle mobile (révision automatique aux périodes et en fonction de l’indice prévue par les parties) ou par l’effet d’une clause-recette (le loyer est indexé sur le chiffre d’affaires du preneur, les variations intervenant aux dates convenues entre les parties).

I. Les cas de révision du loyer prévus par la loi

A. La révision triennale

a. Quand ?

La révision triennale du loyer du bail commercial ne peut intervenir que si l’une des parties en fait la demande. Il s’agit d’un droit qui peut être exercé même si le bail ne le prévoit pas.

La demande de révision triennale ne peut avoir lieu qu’après l’expiration d’un délai de 3 ans à compter :

  • de l’entrée du locataire dans les locaux ;
  • du point de départ du renouvellement du bail commercial ;
  • ou, le cas échéant, de la précédente révision.

En revanche, aucun délai maximum n’est prévu pour demander la révision triennale.
Ainsi, la demande de révision triennale peut intervenir après l’expiration d’un délai de 4 ans, 5 ans voir plus.

b. Comment ?

La demande de révision triennale doit être signifiée par acte d’huissier ou adressée par lettre recommandée avec accusé de réception. Elle précisera obligatoirement le montant du loyer révisé.
La demande peut être à l’initiative du bailleur (normalement une augmentation) ou du locataire (normalement une diminution).

Le loyer révisé prend normalement effet à la date à laquelle la demande de révision triennale est effectuée et son montant est encadré.

c. La révision « plafonnée »

La révision triennale du loyer est en principe plafonnée. Sauf exception (cf. ci-dessous) le demandeur ne peut pas décider librement l’augmentation ou la diminution de son montant.
La variation du montant du loyer ne peut normalement excéder :

  • la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux (ILC) pour les activités commerciales et artisanales ;
  • la variation de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires (ILAT) pour les autres activités.

Les indices de référence sont publiés tous les trimestres par l’INSEE.

La formule de calcul est la suivante :

Nouveau loyer = Loyer en vigueur au jour de la demande x Indice en vigueur au jour de la demande de révision / indice en vigueur au jour de la dernière fixation (conclusion du bail ou dernière révision légale ou conventionnelle).

Exemples de calcul :

Supposons un loyer de 20.000 euros pour un bail commercial conclu le 1er janvier 2006 avec indice de référence ILC.

Imaginons une 1ère demande de révision triennale formée par le propriétaire trois ans après la conclusion du bail, le 1er janvier 2009 :

  • Indice ILC en vigueur lors de la conclusion (T1. 2006) : 94,21 ;
  • Indice ILC en vigueur lors de la demande de révision (T1. 2009) : 102,73

Loyer révisé = Loyer actuel (20.000) x Indice en vigueur au jour de la demande de révision (102,73) / indice en vigueur au jour de la fixation (94,21)
Soit 21.808 euros.

Imaginons maintenant une 2ème demande de révision triennale formée de nouveau trois ans plus tard, soit 1er janvier 2012 :

  • Indice ILC en vigueur lors de la précédente révision (T1 2009) : 102,73 ;
  • Indice ILC en vigueur lors de la nouvelle demande de révision (T1 2012) : 107,01.

Loyer révisé = Loyer en vigueur au jour de la demande (21.808 euros) x indice en vigueur au jour de la nouvelle demande de révision (107,01) / Indice en vigueur au jour de la dernière fixation de loyer, soit en l’espèce 1er janvier 2009 (102,73).
Soit 22.716 euros.

d. La révision déplafonnée

La règle du plafonnement connaît certaines exceptions :

  • si le bailleur apporte la preuve d’’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10% de la valeur locative des locaux;
  • en cas d’une déspécialisation partielle du bail par le locataire.

Dans ces deux hypothèses, la variation du loyer ne sera pas plafonnée et le montant pourra correspondre à la valeur locative des locaux.

B. Révision lors du renouvellement du bail

a. Quand ? Qui ?

La demande de renouvellement du bail peut émaner du bailleur. En ce cas, elle doit être faite au plus tard 6 mois avant la date d’échéance du bail, et par acte d’huissier obligatoirement.

Elle peut également être faite par le locataire : en ce cas elle peut intervenir dans les 6 mois précédents l’échéance du bail (par acte d’huissier ou lettre recommandée).

Le bailleur doit dans les 3 mois de la signification de la demande de renouvellement faire connaître au locataire par acte d’huissier s’il accepte ou refuse le renouvellement. À défaut d’avoir fait connaître sa position, il sera considéré comme ayant accepté le renouvellement du bail. S’il le refuse, l’acte d’huissier notifiant le refus de renouvellement doit, sous peine de nullité, indiquer que le locataire peut le contester ou demander le paiement d’une indemnité d’éviction, en saisissant le tribunal dans un délai de 2 ans.
En cas d’absence de renouvellement, tacite reconduction du bail
Si au terme du bail commercial de 9 ans, ni le bailleur, ni le locataire ne se manifestent, le bail est reconduit tacitement, dans les mêmes conditions sauf une. En effet, la durée de la reconduction tacite d’un bail commercial n’est pas de 9 ans, mais illimitée, ce qui aura des conséquences : le locataire peut partir à tout moment (avec préavis de 6 mois), le loyer sera déplafonné après 12 ans, comme on va le voir.

b. Principe : la fixation du loyer révisé à la valeur locative

L’article L145-33 du Code de commerce prévoit, par principe, l’alignement du loyer révisé sur la valeur locative des locaux.

À défaut d’accord entre les parties, cette valeur est déterminée en fonction de cinq éléments, énumérés et détaillés par les textes. Sont visés :

  • Les caractéristiques du local considéré ;
  • La destination des lieux ;
  • Les obligations respectives des parties ;
  • Les facteurs locaux de commercialité ;
  • Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Toutefois, aucune précision n’est faite sur la combinaison de ces éléments ou sur une méthode de calcul appropriée. En cas de litige, la valeur locative est calculée par le juge des loyers du tribunal judiciaire, lequel aura systématiquement recours à un expert.

c. Un principe limité par des règles de plafonnement

Dans un objectif de protection du locataire, le législateur a prévu une limitation de l’ampleur de la révision par un mécanisme de plafonnement.

En principe, la variation du loyer ne peut excéder la variation que connaît l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou, s’il est applicable, l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, intervenue depuis la dernière fixation du loyer.

En ce cas, la formule de calcul est la suivante :

Loyer de renouvellement = loyer actuel x indice applicable à la date de prise d’effet du bail à renouveler / Indice applicable à la date de prise d’effet du bail.

Exemple :

Supposons un bail conclu en avril 2005 d’un montant de loyer de 20.000 euros.

La demande de renouvellement est formée 10 ans plus tard par le bailleur, en avril 2015. L’indice applicable est l’ILC.

Indice ILC en vigueur à la date de prise d’effet du bail (T2 2005) : 92,46
Indice ILC en vigueur à la date de prise d’effet du bail à renouveler (T2 2015) : 108,38

Loyer renouvelé = Loyer actuel (20.000) x indice en vigueur à la date de prise d’effet du bail à renouveler (108,38) / indice applicable à la date de prise d’effet du bail (92,46)
Soit : 23.443 euros

d. Les exceptions au plafonnement

Toutefois, ce plafonnement ne s’applique pas :

  • en cas de modification notable des éléments déterminant la valeur locative;
  • lorsque le bail a été conclu pour une durée supérieure à neuf ans ou s’il est poursuivi plus de douze ans;
  • pour les baux de terrains nus, quand ils ont été soumis au statut des baux commerciaux;
  • pour les locaux monovalents (exemples : hôtels, cinéma, théâtre, hammams, etc.);
  • pour les locaux à usage exclusif de bureaux (le plus souvent pour les locaux servant à une activité tertiaire ou administrative, comme un cabinet d’assurances ou une agence de voyages par exemple);
  • lorsque les parties ont en convenu différemment dans le bail, la règle de plafonnement du bail renouvelé n’étant pas d’ordre public;
  • lorsque la valeur est inférieure au loyer en cours : en ce cas, il faut revenir à la valeur locative, à charge pour le locataire d’argumenter cette baisse de loyer auprès du bailleur.

e. Le plafonnement du déplafonnement

Autre mécanisme de protection du preneur instauré par la loi Pinel : le « plafonnement du déplafonnement » ou encore appelé règle de « lissage ».

Ce principe vise à atténuer pour le locataire l’effet d’une hausse du loyer fixé à la valeur locative dans le cadre du renouvellement.

L’article L145-34 du Code de commerce indique ainsi : « En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L145-33 ou s’il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10% du loyer acquitté au cours de l’année précédente »

Exemple :

Supposons un loyer en cours de 100.000 euros. Au moment de son renouvellement, le loyer doit être déplafonné et la valeur locative a été fixée à 125.000 euros (soit une hausse de 25%).

Le lissage instaura par la loi Pinel entraînera une variation du loyer sur trois ans, selon le calcul suivant :

  • loyer année 1 : 100.000 euros × 1,10 = 110.000 euros ;
  • loyer année 2 : 110.000 euros × 1,10 = 121.000 euros ;
  • loyer année 3 : 121.000 euros × 1,10 = 133.100 euros ramené à 125.000

A noter que ce principe de lissage est également applicable en cas de variation de plus de 10% à l’occasion d’une révision triennale, même si plus rare en pratique.

II. L’organisation conventionnelle de la révision du loyer

A. Jeu d’une clause d’échelle mobile

a. Principe

Lorsqu’elles fixent le loyer initial, les parties au bail peuvent l’assortir d’une clause d’échelle mobile, ou clause d’indexation, qui fait évoluer le loyer en fonction d’un indice. La modification du loyer s’opère alors au rythme prévu, qui n’est pas nécessairement triennal.

L’indice, choisi librement, doit toutefois être en relation directe avec l’objet du contrat ou avec l’activité de l’une des parties. Il est précisé que les indexations faites sur l’indice des loyers commerciaux ou l’indice des loyers des activités tertiaires sont réputés en relation avec l’objet du bail.

Exemple :

Supposons un loyer de 20.000 euros conclu le 1er janvier 2006.

Première année d’augmentation :
Indice ILC T1 2006 : 94,21
Indice T1 2007 : 96,81
Loyer indexé = loyer (20.000) x indice de comparaison (96,81) / indice de base (94,21) : Soit 20.551 euros.

Deuxième année d’augmentation :
Indice ILC T1 2007 : 96,81
Indice ILC T1 2008 : 100 :
Loyer indexé = Loyer en vigueur suite à la dernière augmentation (20.551) x indice de comparaison (100) / indice de base (96,81) :
Soit 21.294 euros.
Etc.

b. Tempérament : protection contre une fluctuation trop forte

Par ailleurs, si par le jeu de la clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé, l’une des parties peut en demander la révision légale. Il s’agit d’un droit auquel le locataire ne peut renoncer à l’avance. Le juge peut ainsi être amené à fixer un loyer supérieur à celui qui résulterait de l’indexation.

Et là encore, le législateur est venu limiter ce déplafonnement, en empêchant les augmentations supérieures pour une année à 10% du loyer acquitté au cours de l’année précédente (règle de lissage vue précédemment).

c. Conditions de validité de la clause d’échelle mobile

Deux règles doivent être respecter à peine de nullité de la clause :

  • En premier lieu, la Cour de cassation considère que la validité de la clause est subordonnée au caractère réciproque des variations du loyer : elle ne peut pas stipuler que le montant ne sera révisé qu’à la hausse.
  • En deuxième lieu, la période de variation indiciaire ne doit pas excéder la durée écoulée entre deux indexations.

Exemple :

Indexation annuelle le 1er janvier de chaque année :
Le 1er janvier de l’année « N » :
Loyer indexé de l’année « N » = Loyer de l’année « N-1 » x indice du 2T de l’année « N-1 » / indice du 2T de l’année « N-2 »

Le 1er janvier de l’année « N+1 » :
Loyer indexé de l’année « N+1 » = Loyer de l’année « N » x indice du 2T de l’année « N » / indice du 2T de l’année « N-1 »

En revanche, si le calcul était : Loyer indexé de l’année « N+1 » = Loyer de l’année « N » x indice du 2T de l’année « N » / indice du 1T de l’année « N-1 », la clause d’indexation serait réputée non écrite.

Exemple de rédaction de clause d’échelle mobile :

« Le loyer variera tous les ans, au 1er janvier, proportionnellement en fonction de la variation de l’indice fixé aux conditions particulières et publié trimestriellement par l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques ou sur tout indice qui lui sera substitué.

Pour la première indexation, l’indice pris pour base sera le dernier connu à la date d’effet du présent bail, tel qu’indiqué aux conditions particulières, et l’indice de comparaison sera celui du deuxième trimestre de l’année suivante. Pour les indexations ultérieures, l’indexation interviendra en prenant pour indice de comparaison, l’indice du deuxième trimestre de l’année suivante ».

d. Point pratique sur la prescription applicable

Si vous êtes bailleur et que vous n’avez pas appliqué la clause d’échelle mobile, vous pouvez remonter jusqu’à 5 ans en arrière.

En effet, l’action en paiement des loyers commerciaux ne figurant pas parmi les actions régies par l’article L145-60 du code de commerce qui fixe une prescription biennale : elle est donc soumise au délai de prescription de droit commun de 5 ans.

B. Clause recette

La clause recette permet de faire dépendre une partie du loyer des résultats de l’exploitation du commerce du locataire.

La Cour de Cassation a admis la validité d’une telle clause, qui fait échec au mécanisme légal de la révision triennale. De la même manière, ces dispositions font obstacle au pouvoir de révision du juge dans le cadre du loyer de renouvellement.

Toutefois, en cas de clause binaire, c’est-à-dire comportant une partie fixe et une partie variable, la Cour de cassation a jugé qu’il était possible de recourir au juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti en fonction de la valeur locative. Le juge statue alors selon les critères de l’article L145-33 du Code de commerce, notamment au regard de l’obligation contractuelle du preneur de verser, en sus du minimum garanti, une part variable.

Exemple de clause recette avec minimum garanti :

« Le loyer sera déterminé chaque année à la date anniversaire de la prise d’effet du présent bail et pour la première fois le 1er janvier.

Il sera fixé 20 % du chiffre d’affaires hors taxe réalisé par le locataire.

Le bailleur et le locataire conviennent d’un loyer annuel minimum garanti qu’ils fixent d’un commun accord à la somme de 20.000 euros annuel hors taxe.
Le loyer variable déterminé dans les conditions ci-dessus précisées sera applicable, s’il est supérieur à ce minimum garanti.

Par contre, si le loyer variable est inférieur au loyer minimum garanti, c’est celui-ci qui sera applicable ».

Baptiste Robelin – Avocat – Droit des affaires

Guide pratique de la révision du loyer du bail commercial